Avec ou sans neige ?
Cela n’est plus une découverte, cette année encore et peut-être plus que les autres, l’année touristique 2024 a commencé avec une saison hivernale peu enneigée. Dans toutes les régions montagneuses et traditionnellement positionnées sur le tourisme blanc, les débats ont fleuri pour mesurer, se préparer, évoquer différents scénarios possibles avec des hivers sans neige.
Les retombées économiques sont moindres avec une forte baisse sur l’activité d’hôtellerie sur le Haut jura (baisse de chiffre d’affaires entre 30 et 40%) et une baisse plus modérée sur la restauration. Avec ce début d’année plutôt morose, quelles sont les tendances d’activité pour l’année ? qu’en est-il du recrutement ?
Patrick FRANCHINI, Président de l’UMIH 39 nous partage son point de vue.
Malheureusement, en hôtellerie restauration les structures touristiques ne sont pas préparées à des hivers sans neige. Dans les années à venir, avoir une offre touristique 4 saisons sera un enjeu pour notre département. Cela demande de réfléchir dès maintenant sur ce que notre territoire souhaite mettre en place et prévoir de le financer.
Il constate depuis de nombreuses années des difficultés de recrutement qui nécessitent des modifications d’organisation interne. Dans ce contexte, être à l’écoute de ses collaborateurs fait partie des nouvelles méthodes dans la gestion du personnel, parce qu’ils recherchent avant tout « un équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle ».
Malgré l’utilisation de filière de recrutement, cela reste difficile.
De plus, il observe un changement dans les pics d’activité touristique : le pic se situe entre le 14 juillet et le 15 août et une activité moins puissante sur les « ailes » de saison (printemps et automne).
L’emploi saisonnier attire moins et les professionnels de l’hôtellerie restauration ont beaucoup de mal à recruter : le job d’été d’étudiant est sur une période plus courte et cela conduit à avoir plusieurs étudiants pour la période estivale sur un même poste.
Les changements de conditions d’indemnisation des emplois saisonniers ne semblent pas avoir eu d’impact à ce jour.
Stéphane Nageotte, chargé de mission partenariat à la direction territoriale Jura Haute Saône de France Travail.
De fait il y a eu plusieurs changements dans les règles d’indemnisation des demandeurs d’emploi en 2023, et d’autres sont projetées en 2024. La durée ainsi que le mode de calcul de l’indemnisation ont changé. La situation d’intermittence de périodes de travail et de non-travail, propre aux salariés saisonniers, impacte peu à peu les personnes concernées, c’est certain. Chaque cas est particulier mais les incidences peuvent être fortes dans certains dossiers.
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Un profil touristique en pleine évolution
Si l’enneigement impacte le tourisme Jurassien, l’agritourisme est aussi impacté par une évolution du profil des touristes qui viennent visiter le Jura, et de sa vision de la nature et du vivant.
Gilles Tonnaire, agriculteur spécialisé en agritourisme, Président de Clévacances.
Le tourisme à la ferme est une niche très peu développée mais paradoxalement, la demande y est très forte. Nous sommes identifiés comme un produit détente, de retour aux sources. Attention, il y a de la demande mais ces consommateurs veulent du confort, des gites 3 ou 4 étoiles. Ils viennent pour les animaux mais ils sont citadins, ils viennent souvent sans anorak, sans bottes, se font surprendre par les températures, la météo. Très vite ils veulent du service adapté à leur rythme de vie. Leurs animaux à eux ce sont des boas, des chats, des chiens, … Notre enjeu est de réussir un amalgame compliqué entre deux entrées : la réalité rurale et agricole telle que vécue par les exploitants agricoles ou les entrepreneurs ruraux, et la façon de voir et vivre au quotidien des visiteurs, qui est de plus en plus éloignée de ces réalités.
Ce sont de vraies questions aujourd’hui pour les personnes qui font ou vont se lancer dans l’agritourisme, et plus encore d’ici 4-5 ans. Il y a un changement dans la clientèle, avec l’émergence d’un sentiment autour de l’animal, un ressenti à propos de son bien-être : il devient difficile de montrer un simple vêlage, un cadre de ruche que l’on repose avec parfois quelques abeilles prises au piège.
Il faut expliquer, sans doute prendre beaucoup plus de temps qu’on n’en prend aujourd’hui pour toucher les enfants, mais j’ai le sentiment qu’avec les jeunes adultes arrivant en vacances dans nos fermes il faudra juste faire avec.
LE REGARDOIR : Entre Défis de Logement et Pressions Touristiques
Situé dans le pittoresque Jura, à Moirans-en-Montagne, le restaurant Le REGARDOIR est un point de repère culinaire qui reste ouvert du 1er février au 30 novembre. Malgré sa popularité, l'établissement fait face à des défis significatifs en matière de ressources humaines et de logement pour ses employés saisonniers.
Un Besoin Crucial de Saisonniers
Le REGARDOIR est doté de 8 salariés permanents et doit embaucher plus d’une vingtaine de saisonniers chaque année pour la saison estivale. Cependant, moins de la moitié de ces saisonniers sont des professionnels du métier, ce qui complique les recrutements. "Il devient de plus en plus difficile de trouver des profils qualifiés," explique Monsieur Mercier, le gérant. "De plus, ces professionnels exigent souvent un logement, ce qui nous pose un sérieux problème."
La Crise du Logement
Le problème de logement pour les saisonniers est aigu. Les logements étudiants de Haut-Jura Sport Formation (Cap Mauriana à Moirans-en-Montagne) sont destinés prioritairement à la location pour les apprentis et à la location saisonnière commerciale : Monsieur Mercier le regrette car le projet avait été présenté comme pouvant répondre à la problématique du logement des travailleurs saisonniers. « La Maison pour Tous n’offre pas ses logements meublés étudiants durant l'été malgré des disponibilités » remarque Monsieur Mercier qui aimerait se sentir plus soutenu, accompagné par les pouvoirs publics qui semblent manquer de consensus sur ce thème ;
Depuis la pandémie de COVID-19, les attentes des professionnels du secteur ont évolué. En réponse, Le REGARDOIR a ajusté les conditions de travail et amélioré la rémunération pour répondre à ces nouvelles attentes. Les collaborateurs n’ont, par exemple plus qu’une ou deux journées d’horaires coupés, au maximum par semaine entre le 15 septembre et le 15 juin. Le REGARDOIR a également augmenté la durée de la période de fermeture annuelle de trois semaines et généralisé l’aménagement du temps de travail par la modulation pour l’intégralité des contrats.
L'Impact de la Perte de Neige
L'absence de neige durant l'hiver 2024 a eu un impact négatif sur les affaires, avec une saison sans aucune réservation hôtelière. Néanmoins, les années précédentes, une fois les réservations locatives effectuées, l'absence de neige avait tendance à drainer plus de clientèle vers le secteur des lacs.
Pressions Touristiques
Le tourisme, bien que bénéfique, exerce une pression considérable sur Le REGARDOIR. "Les touristes sont présents, ce qui est positif, surtout avec la hausse de fréquentation sur les « ailes de saison », mais nous souffrons à tous les niveaux," déclare Monsieur Mercier. "Nous faisons face, en période estivale, à un tourisme de masse sans avoir les ressources humaines nécessaires." Il s'inquiète également des effets de cet afflux sur l'environnement et estime que les préoccupations des restaurateurs ne sont pas suffisamment partagées ou conscientisées par les pouvoirs publics.
Le REGARDOIR continue donc à naviguer dans un environnement complexe, cherchant à équilibrer les attentes de ses clients, les besoins de ses employés et les défis logistiques inhérents à une région touristique en pleine évolution.